Par Maître Guillaume Cornu
L’actualité en matière de friche est riche. En témoigne la parution coup sur coup de deux décrets portant pour l’un sur la définition même de la friche et pour l’autre, sur la liste des friches sur lesquelles il est possible de déroger, sous conditions, au principe de continuité de la loi littoral pour l’installation d’ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique.
La notion de friche
Jusqu’en 2021, le code de l’urbanisme ne définissait pas la notion de « friche ». C’est en effet la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets plus connue sous le nom de la loi « Climat – Résilience » qui a introduit cette notion.
Ainsi, l’article 222 de la loi Climat & Résilience créait un article L. 111-26 au sein du code de l’urbanisme qui définissait la friche comme :
« tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret ».
L’article L. 111-26 du code de l’urbanisme fixe donc deux critères cumulatifs afin de qualifier un site de friche :
Le caractère inutilisé du bien ou d’un droit immobilier ; et
L’absence de possibilité de réemploi sans aménagement ou travaux préalables.
L’objectif poursuivi à travers l’inscription au sein du code de l’urbanisme de cette définition était d’apporter une réponse au rapport d’information n° 3811 sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives publié le 27 janvier 2021. En effet, ce rapport constatait que l’absence d’une définition officielle et standardisée de la friche ainsi que l’absence de conceptualisation juridique de cette notion constituaient des obstacles à leur revalorisation.
Cette disposition s’inscrit aussi et surtout dans le cadre de la politique de lutte contre l’artificialisation des sols dont l’un des principaux enjeux vise à mobiliser prioritairement des gisements fonciers disponibles.
Le détail des critères de qualification d’une friche
Cette définition de la notion de friche a été récemment précisée par le décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme publié le 27 décembre dernier.
Celui-ci vient détailler les deux critères permettant de qualifier une friche comme telle et propose quatre catégories pouvant notamment être prises en compte afin d’identifier une friche. Ces catégories sont insérées dans un nouvel article D. 111-54 du code de l’urbanisme. Peuvent ainsi pris en compte pour la reconnaissance de la qualité de friche :
L’existence d’une concentration élevée de logements vacants ou d’habitats indignes ;
La présence d’un ou des locaux ou équipements vacants ou dégradés en particulier à la suite d’une cessation définitive d’activités ;
L’existence d’une pollution identifiée pour laquelle son responsable ou l’exploitant du site, son ayant-droit ou celui qui s’est substitué à lui a disparu ou est insolvable ;
Un coût significatif pour son réemploi voire un déséquilibre financier probable entre les dépenses d’acquisition et d’interventions, d’une part et le prix du marché pour le type de biens concernés, ou compte tenu du changement d’usage envisagé, d’autre part.
Pour mémoire, il n’est pas nécessaire que l’ensemble de ces éléments soient caractérisés pour qu’un site soit qualifié de friche. Il s’agit seulement de moyens d’identification.
L’article D. 111-54 nouvellement créé explique également ce qu’il faut entendre par l’expression « aménagement ou travaux préalables ». Il s’agit des opérations permettant « la remise en état, la réhabilitation ou la transformation du bien concerné ». Il rappelle en outre, qu’une activité autorisée et exercée à titre transitoire avant un réemploi « n’est pas de nature à remettre en cause la qualification d’une friche ». Tel serait le cas pour une activité de stockage de marchandises par exemple.
Enfin, le nouvel article susvisé ajoute que les terrains non bâtis à caractère agricole ou forestier ne peuvent être considérés comme des friches au sens des dispositions du code de l’urbanisme. Les terrains à caractère naturel, y compris ceux ayant fait l’objet d’une renaturation, ne sont pas non plus concernés dès lors qu’ils présentent un usage à cette fin sans nécessiter de travaux pour leur réemploi.
Le décret prévoit également l’insertion au sein du code de l’urbanisme d’un article D. 111-55 qui impose que les inventaires comprenant des données et cartographies relatives aux friches établis et mis à disposition par l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les établissement public ou une agence d’urbanisme soient réalisés conformément aux standards du Conseil national de l’information géolocalisée et que ceux-ci alimentent un inventaire national des friches.
L’installation d’ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur des friches
La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables dite « loi APER » a inséré par l’intermédiaire de son article 37, l’article L. 121-12-1 au sein du code de l’urbanisme.
Cet article prévoit une dérogation au principe de continuité de l’urbanisation de la loi « littoral » prévu par l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. En effet, au sein des communes soumises à la loi « littoral », il existe un principe selon lequel l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants.
A rebours de cette obligation, l’article L. 121-12-1 créé par la loi APER reconnait la possibilité pour l’autorité administrative compétente d’autoriser les ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur :
Les friches au sens de l’article L. 111-26 du code de l’urbanisme ; ou
Les bassins industriels de saumure saturée.
Cela y compris lorsque l’implantation de ces ouvrages aurait pour conséquence de ne pas respecter ce principe.
Les apports du décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l’application de l’article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme
L’article 1er du décret dresse la liste des friches sur lesquelles les ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique peuvent être autorisés. Il s’agit des friches suivantes :
L’article 2 du décret revient quant à lui sur la définition de la notion de « bassins industriels de saumure saturée » et précise qu’il s’agit des étangs de Lavalduc et d’Engrenier situés dans le département des Bouches-du-Rhône.
Enfin, l’article 3 du décret ajoute que les cartes fixant le périmètre des friches mentionnées à l’article 1er peuvent être consultées au sein des DDT concernées ainsi que sur le site du Bulletin officiel du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Pour plus d’informations :
Pour le décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048669496
Pour le décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l’application de l’article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048707330
Pour la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924
Pour la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/JORFARTI000047294288
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