Par Corinne Lepage, Avocate associée fondatrice du cabinet Huglo Lepage Avocats, Ancienne ministre de l’Environnement
Publié le 22/12/2022 dans Marianne
Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l’Environnement, répond à Bernard Accoyer, qui l’a mise en cause dans un entretien publié sur le site de « Marianne », au sujet du nucléaire.
M. Bernard Accoyer, depuis que vous avez perdu la présidence de l’Assemblée nationale et que vous n’êtes plus député, vous vous êtes lancé dans une croisade d’un autre temps en faveur de l’énergie nucléaire. Il est tout à fait légitime de défendre cette énergie si on la croit positive pour l’intérêt général. Mais réécrire l’histoire et inventer une story qui n’a pas grand-chose à voir avec la vérité ni avec la réalité est totalement illégitime, surtout de la part d’un ancien représentant du peuple. Allant même jusqu’à insulter, diffamer voire menacer, ce que vous avez fait à mon égard très récemment en public en affirmant qu’il fallait faire disparaître les avocats qui étaient antinucléaires.
Dans votre entretien accordé à l’hebdomadaire Marianne, vous écrivez : « Dès les années 95 à 97, Corinne Lepage avocate des anti-nucléaires et ministre de l’Environnement, en total conflit d’intérêts personnel, a tout fait pour arrêter définitivement le surgénérateur de Creys-Malville, réacteur de quatrième génération, Superphénix. Alain Juppé résistera… » Trois contrevérités dans ces trois lignes.
TROIS CONTRE-VÉRITÉS
Je n’étais pas avocate ET ministre car la loi l’interdit. J’étais donc suspendue du barreau et mieux encore, les dossiers concernant l’environnement, bien au-delà des dossiers nucléaires, ont quitté le cabinet de mon mari (mon nom ne figurait même plus à côté du sien dans le nom du cabinet… mesure que d’autres après moi n’ont pas prise) dès mon accession au ministère. Et ce sous le contrôle du bâtonnier Philippe Lafarge. Pour preuve, l’arrêt du Conseil d’État rendu en février 1997, qui atteste que la ville de Genève, qui avait été précédemment ma cliente, était à cette date uniquement représentée par Maître Mandelkern.
Je n’ai pas arrêté le réacteur de Superphénix. C’est le Conseil d’État qui s’en est chargé dans un arrêt du 25 février 1997, étant précisé qu’il ne s’agissait plus du tout d’un surgénérateur, lui-même arrêté en 1988, mais d’un réacteur classique. J’ai effectivement refusé de signer le décret de redémarrage pour la bonne et simple raison que les conditions de sécurité mises par Édouard Balladur et Michel Barnier ne pouvaient plus figurer dans le nouveau décret, créant ainsi un véritable risque pour nos concitoyens. Je renvoie pour ceux qui douteraient de mon intention à l’article de Pierre Georges paru dans leMonde du 5 mars 1997.
Enfin, Alain Juppé n’a pas « résisté ». Je lui ai proposé de démissionner pour qu’un autre signe ce décret. Aussi a-t-il préféré saisir le Conseil d’État sur le point de savoir comment l’arrêt devait être exécuté.
TOUS RESPONSABLES
Voici en quelques mots comment Monsieur Accoyer, vous n’hésitez pas à diffamer et à travestir la réalité. De manière plus large, à force de chercher des responsables à une situation dont vous êtes tout autant comptable que tous les décideurs politiques qui se sont succédé en France, vous participez à un mythe selon lequel la situation actuelle serait imputable aux seuls écologistes et politiques, mais surtout pas à EDF et aux véritables décideurs de cette politique industrielle qu’est le corps des mines dont personne ne parle…
Le débat sur l’énergie est bien trop important pour sombrer dans la caricature et la désinformation. Nous avons besoin d’un vrai débat sur ce sujet majeur pour notre avenir et ce n’est pas avec de telles postures que nous pourrons réellement avancer.
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